Soulager la charge cognitive avec les outils de pensée visuelle

Dans un monde où le flux d’informations ne cesse de s’intensifier, notre cerveau fait face à un défi de taille : l’infobésité. Cette surcharge informationnelle menace notre capacité à penser clairement et à travailler efficacement. Heureusement, la pensée visuelle offre des solutions concrètes pour naviguer dans cette complexité. Explorons ensemble comment transformer le chaos informationnel en clarté cognitive.

La surcharge cognitive : quand notre cerveau sature

À ne pas confondre avec la charge mentale, la charge cognitive est comme un sac à dos que le cerveau porte lorsqu’il apprend quelque chose de nouveau ou doit réaliser une tâche complexe. Si le sac à dos est trop lourd, le cerveau est surchargé et il lui est difficile d’apprendre ou d’assurer une tâche complexe.

On parle de surcharge cognitive quand notre cerveau doit gérer plus d’informations que sa mémoire de travail ne le permet. Responsable du traitement des informations à court terme,  la mémoire de travail peut contenir environ 7 éléments mais ne traite que 2 à 4 éléments à la fois. Lorsque celle-ci est dépassée, il devient difficile dans notre quotidien de traiter de nouvelles informations, de prendre des décisions ou encore d’assimiler de nouvelles connaissances.

La théorie de John Sweller : un éclairage scientifique

John Sweller, psychologue australien pionnier, a révolutionné notre compréhension de l’apprentissage avec sa théorie de la charge cognitive. Ses recherches ont établi trois principes fondamentaux pour optimiser le traitement de l’information :

  • Le Fractionnement : Découper l’information complexe en blocs plus petits et plus faciles à gérer
  • L’Ancrage concret : Utiliser des exemples et des analogies tirés du quotidien
  • Le double codage: Par exemple, présenter des informations à la fois visuellement et auditivement peut améliorer leur traitement par la mémoire de travail.

Les points forts de la pensée visuelle pour réduire la charge cognitive

Les outils visuels agissent comme un décodeur naturel pour notre cerveau. En combinant texte et images, ils créent un « double codage » qui amplifie notre capacité de compréhension et de mémorisation. Il y a une simplification, une structuration et une clarification de l’information, dans un souci de rendre les contenus plus attrayants et plus faciles à mémoriser.

Quels outils visuels utiliser?

  • Les cartes mentales permettent de simplifier, de structurer l’information et de révéler les relations entre différents concepts.
  • Les sketchnotes et les infographies permettent de transformer les données complexes en histoires visuelles visuellement attrayantes et faciles à comprendre.
  • Les animations vidéo explicatives (ou “infographies animées”) sont particulièrement efficaces pour réduire la charge cognitive. La présentation séquentielle des informations, accompagnée de commentaires audio, permet de se concentrer sur des segments d’information précis et de les assimiler plus facilement.

Impact et perspectives

La surcharge cognitive peut entraîner divers symptômes tels que la fatigue, le stress, la confusion, la frustration et la difficulté à prendre des décisions, elle peut donc affecter la santé mentale. C’est un enjeu important pour le travail en équipe et l’Éducation.

En intégrant intelligemment les outils visuels dans nos pratiques quotidiennes, nous pouvons significativement réduire la charge cognitive. C’est un investissement dans la clarté mentale qui paie des dividendes immédiats en termes de productivité et de bien-être. Il doit être accompagné d’une forme de sobriété dans la consommation de l’information numérique, n’oublions pas le bilan carbone des data centers.

 

La roue des implications: un outil visuel de choix pour la stratégie

Dans un contexte d’incertitude et de bouleversements de plus en plus intenses, il est particulièrement utile d’explorer les conséquences de certains changements afin d’adapter sa stratégie. Les conséquences d’un changement de rupture se propagent comme une onde, touchant de multiples domaines de manière directe et indirecte.  La roue des implications, inventée par le futurologue Jerome Clayton Glenn (sous le nom de “Future Wheel)”, est un outil visuel puissant qui permet , à travers une exploration structurée et non-linéaire, de visualiser puis d’analyser les conséquences d’un événement ou d’un changement. Je vous propose de la découvrir ici.

C’est notamment un outil visuel de référence dans le cadre de la gestion du changement, de la stratégie et de la prospective.

La Roue des implication est principalement utilisée pour :

  • Explorer l’impact possible de tendances,d’évènements ou de changements

  • Évaluer une décision de lancement ou non d’un projet, compte-tenu des impacts

  • Construire des plans préventifs afin de limiter les risques liés à un changement.

Comment ça marche?

Je vous propose de coupler la méthode de Glenn avec la méthode simple et efficace de la carte à bulle ou “bubble map”. Cette méthode de mapping, utilisée notamment dans mes ateliers de facilitation visuelle, est particulièrement adaptée à la roue des implications du fait de la forme circulaire de chaque élément, idéal pour rayonner de manière circulaire autour du sujet central, tel que l’avait imaginé Jérôme Glenn lorsqu’il avait inventé la roue des implications. Plus les impacts sont éloignés du centre, plus ils sont indirects.
  1. Choisir le thème central de la carte, celui-ci pointe un changement ou une tendance observée

  2. Explorer les conséquences directes (niveau 1): les événements ou conséquences découlant directement du terme central sont placés autour de celui-ci et reliés par des flèches ou des lignes simples.

  3. Explorer conséquences indirectes (niveau 2 et au-delà): Les conséquences indirectes des conséquences directes sont placées autour de ces dernières, également reliées par des flèches ou des lignes.

  • Les flèches ou lignes reliant les conséquences directes et indirectes illustrent les relations de cause à effet.  On peut aller jusqu’à plusieurs niveaux de conséquences à mesure que l’on s’éloigne du centre. Attention néanmoins à ne pas trop complexifier le visuel qui risque ainsi de perdre en clarté et en lisibilité.

  1. Visualisation et analyse : L’analyse de la Roue du Futur permet ainsi d’identifier les impacts potentiels et de développer des stratégies.

Variante par classification des conséquences: Jerome Glenn propose, pour une analyse plus structurée, de procéder par domaines de conséquences: politique, économique, social, technologique, etc. Le choix des domaines de conséquences dépend des objectifs de l’analyse.

Un exemple concret

Voici ci-dessous une roue des implications sur l’utilisation de plus en plus fréquente de l’IA par les élèves. Chaque version a été mise au propre avec XMind.

La première version explore les impacts sans fixer de catégories; la deuxième version est structurée par domaines d’impact. Cliquer sur le images pour agrandir.

Version 1

Version 2

Avantages et limites

La roue des implications est un outil prospectif simple et accessible, stimulant la pensée systémique et facilitant la visualisation de scénarios complexes. Ses principaux atouts sont sa simplicité d’utilisation et sa capacité à encourager une vision globale. Loin des outils de brainstorming non-structurés, elle invite à un premier classement des idées.

Néanmoins, la roue des implications présente certaines limites. La complexité peut rapidement augmenter, rendant l’outil difficile à gérer. Je vous recommande ainsi d’éviter d’aller plus loin que le troisième niveau après le centre. De plus, la qualité de l’analyse dépend fortement de la pertinence des jugements, c’est plus le contenu de la carte obtenue que son apparence qui en feront un outil pertinent. Enfin, il existe un risque de simplification excessive des relations causales et des différentes conséquences envisagées.

Intelligence artificielle : menace ou opportunité ?

Cette longue et passionnante conférence de l’entrepreneur franco-libanais Oussama Ammar sur l’intelligence artificielle m’a intéressé, essentiellement les 45 premières minutes et la sketchnote ci-dessus a été réalisée par mes soins, en direct, à l’écoute de la conférence. Je ne suis ni un fan, ni détracteur d’Oussama, je pense simplement que son point de vue sur cette révolution en cours est très intéressant. Il sait traduire des notions complexes dans un langage accessible à tous et mettre le focus sur les aspects essentiels du sujet.

La vidéo de la conférence d’Oussama Ammar: 

 

 

Design Thinking et Facilitation Visuelle

Souvent on me demande quelles sont les différences entre le design thinking et la facilitation visuelle qui semblent vraiment très proches. Les deux sont de plus en plus utilisés pour stimuler l’innovation et la créativité au sein des organisations. Ils placent l’humain au centre et encouragent le travail collaboratif. Ils favorisent une pensée “out of the box” en s’appuyant sur des représentations graphiques et visuelles.

Ces deux approches se distinguent par leur processus et leur finalité. Le design thinking est un processus itératif qui cherche à comprendre les utilisateurs, à remettre en question les hypothèses, à redéfinir les problèmes et à créer des solutions innovantes que l’on peut prototyper et tester. Il s’agit d’une démarche analytique qui suit des étapes successives, allant de la compréhension des besoins du client à la conception et au test de solutions innovantes. En outre, le design thinking commence à donner lieu à des diplômes universitaires dédiés (ex: d.school de Stanford) alors que la facilitation visuelle n’est pas encore représentée dans les cursus académiques.

D’autre part, la facilitation visuelle est une approche plus intuitive qui utilise des méthodes et outils visuels pour rendre le travail de groupe plus facile et plus efficace. Elle vise à capter, organiser, comprendre et mémoriser les idées et les informations, à stimuler la créativité et la participation de chacun, et à offrir de la visibilité et de la lisibilité. La facilitation visuelle ne suit pas nécessairement un processus linéaire, mais elle utilise l’ensemble des ressources cognitives “visuelles” pour mieux réfléchir, comprendre, apprendre, mémoriser et communiquer.

Bien que le design thinking et la facilitation visuelle partagent de nombreux points communs, notamment l’importance accordée à l’humain et à la collaboration, elles se distinguent par leur processus et leur finalité. Au final elles s’enrichissent mutuellement et sont très complémentaires.

Le storyboard pour mieux raconter et expliquer

Le storyboard ci-dessus m’a aidé à structurer le récit d’une anecdote captivante que j’ai lue dans l’excellent ouvrage « Tell to Win » de Peter Guber, producteur de cinéma et professeur à l’Université de Californie qui défend l’idée que le storytelling est le meilleur outil pour convaincre. Grâce à ce storyboard , je peux mieux raconter cette histoire.

Un storyboard simple présente des cases avec des dessins et/ou de brefs textes décrivant les moments clés. Le but est de découper le récit en séquences logiques. Mettre par écrit les grandes étapes d’une histoire en clarifie la progression et la cohérence. On y gagne en clarté et efficacité pour captiver son auditoire.

Avant de mettre le storyboard au propre sur tablette, j’ai créé une version papier avec des notes adhésives, telle que présentée ci-dessous.

 

Voici le résumé de l’histoire présentée dans le storyboard :

Au début de la campagne présidentielle de 1992, Bill Clinton vient de perdre la primaire du New Hampshire, mettant sa campagne en difficulté financière. Un de ses collaborateurs contacte Peter Guber, alors PDG de Sony Pictures, pour récolter d’urgence 90 000$ du monde du cinéma avant la fin de la journée, sans quoi Clinton devra abandonner la course à la présidence.

Lorsque Clinton appelle Guber, il lui demande s’il a vu le film « Le Train sifflera trois fois ». Ce western raconte l’histoire d’un shérif abandonné par les habitants de sa ville face à des criminels, sauf une personne qui l’aide à triompher. Clinton s’identifie au shérif, déterminé à combattre malgré les pronostics, et voit en Guber un soutien providentiel.

Séduit par cette analogie, Guber contacte des personnalités d’Hollywood en utilisant la métaphore du film pour les convaincre de donner de l’argent. A 17h, il annonce avoir réuni les 90 000$. Fort de ce soutien, Clinton remportera la primaire suivante, puis l’élection présidentielle.