Simon Sinek et l’IA : entre fascination et lucidité

Le podcast « Diary of a CEO« , animé par l’entrepreneur britannique Steven Bartlett, s’est imposé comme l’un des rendez-vous incontournables pour explorer les enjeux culturels, sociaux et technologiques de notre temps, à travers des conversations en profondeur. Avec plus de 500 millions de vues sur YouTube et plusieurs millions d’écoutes par épisode, il s’est hissé parmi les podcasts les plus populaires au Royaume-Uni et bien au-delà.

Poursuivant ma réflexion sur l’IA, je suis tombé sur un épisode récent du podcast (voir vidéo en bas de cet article). Steven échange avec Simon Sinek, auteur du best-seller Commencer par pourquoi et inventeur du fameux Cercle d’Or, sur des thèmes d’actualité, notamment l’essor de l’intelligence artificielle.
Au-delà de la qualité et du côté fascinant de cette interview, c’est une pépite, une authentique « Master Class » du grand Simon Sinek.

Une IA fascinante… et inquiétante

Dans la première heure de l’interview, Simon Sinek partage son point de vue sur l’IA. Bien qu’il reconnaisse son potentiel fascinant, il exprime clairement son inquiétude face aux impacts de l’IA sur notre quotidien. Il insiste : « Je ne suis pas dans le domaine de l’IA, je suis dans celui de l’humanité », pour aborder la question en termes éthiques et sociaux.

Sinek critique une société obsédée par les résultats, où la performance immédiate devient la norme , et cela se reflète dans les usages de l’IA. Or, ce n’est pas le résultat, mais le processus qui nous permet de grandir, de nous développer. Cette réflexion rejoint ses travaux sur le leadership : l’importance de l’intention, du sens et du chemin parcouru. L’IA, en automatisant certaines tâches, pourrait nous priver de ces étapes clés qui forgent les compétences humaines.

Les risques réels d’une adoption irréfléchie de l’IA

Le penseur identifie plusieurs risques majeurs :

  • une érosion cognitive, liée à la délégation excessive de notre pensée ;
  • une déshumanisation du travail et des relations ;
  • une menace pour les travailleurs du savoir (« ils seront laminés »), dont les compétences risquent d’être remplacées.

Ce qui est fait main devient plus précieux

Face à l’abondance du contenu généré par des machines, le fait-main reprend de la valeur. Il incarne l’effort, l’intention, l’imperfection et l’authenticité. Sinek évoque ici le concept japonais de wabi-sabi, cette beauté de l’imparfait et du vivant, qui pourrait inspirer une nouvelle éthique du travail.

Je vois là une grande opportunité pour impliquer la facilitation visuelle, fondée sur la créativité humaine, le collaboratif et le passage par la main, comme levier pour ré-humaniser la culture de travail dans les organisations . Et cela, sans pour autant tourner le dos à l’IA.

Voici l’intégrale de cette interview (en anglais): 

6 exemples historiques d’intelligence collective qui ont changé le monde

Face aux défis actuels – crises économiques, changements climatiques, bouleversements sociaux – une vérité historique mérite d’être rappelée : l’intelligence collective a toujours été notre meilleur atout pour surmonter l’adversité.

Mais qu’est-ce que l’intelligence collective exactement? C’est cette capacité extraordinaire d’un groupe à collaborer pour atteindre des résultats supérieurs à ce que chaque individu pourrait accomplir seul.

Plongeons ensemble dans 6 exemples fascinants qui démontrent la puissance de cette intelligence partagée à travers les siècles.

La Route de la Soie : un réseau d’innovation millénaire

Imaginez un réseau commercial s’étendant sur 8 000 kilomètres et traversant déserts hostiles, montagnes escarpées et steppes infinies. Pendant 17 siècles, la Route de la Soie a relié l’Orient et l’Occident grâce à une innovation sociale remarquable : les caravansérails.

Ces relais offraient hébergement, protection et ravitaillement aux marchands et voyageurs, transformant un périple impossible en une aventure viable. Plus que de simples auberges, ils constituaient de véritables hubs d’échange où se croisaient idées, cultures et innovations.

Les résultats? Selon l’historienne Valerie Hansen de Yale, pas moins de 127 innovations majeures ont été transférées entre la Chine et l’Europe grâce à ce réseau, de la fabrication du papier à la poudre à canon, en passant par la boussole et l’imprimerie.

La Ligue hanséatique : l’union fait la force commerciale

Au Moyen Âge, alors que la piraterie et l’insécurité règnent sur les mers nordiques, 200 villes portuaires s’unissent pour dominer le commerce européen pendant près de trois siècles.

Le secret de cette réussite? Deux innovations collectives :

  • Les kogges, navires marchands standardisés permettant une efficacité logistique inédite
  • Un système d’assurance mutualisée contre les naufrages, répartissant les risques entre membres

Les archives numériques de Lübeck révèlent l’impact spectaculaire de cette collaboration : 60% de réduction des litiges commerciaux entre les villes membres. Une preuve que la coopération peut être plus rentable que la concurrence.

L’Encyclopédie de Diderot : Le premier projet crowdsourcé de l’histoire

Bien avant Wikipedia, 150 intellectuels dont Voltaire et Rousseau se sont unis pour créer l’œuvre intellectuelle la plus ambitieuse du 18ème siècle : 72 000 articles rédigés sur 21 ans, captant l’intégralité du savoir de leur époque.

Leur innovation? Un système de renvois entre les entrées créant une toile de connaissances interconnectées – ancêtre direct des hyperliens modernes. Plus surprenant encore : la censure royale, en interdisant l’ouvrage, a involontairement multiplié par trois les contributions clandestines selon l’historien Robert Darnton d’Harvard.

L’Encyclopédie n’a pas seulement rassemblé des connaissances ; elle a catalysé les idées des Lumières qui ont transformé notre vision du monde.

Le Bauhaus: la naissance de la pensée Design

Né dans l’Allemagne de 1919, le mouvement Bauhaus représente l’une des plus brillantes collaborations créatives du 20ème siècle. Artistes visionnaires comme Vassily Kandinsky et Paul Klee, architectes innovants et artisans y ont effacé les frontières traditionnelles entre disciplines.

L’approche transdisciplinaire du Bauhaus a créé un environnement où l’échange des savoirs et l’expérimentation collective ont engendré une nouvelle esthétique. Bien que fermé par les nazis en 1933, son influence perdure dans chaque bâtiment moderne, chaque meuble fonctionnel, chaque objet alliant forme et fonction.

Le groupe Nicolas Bourbaki : les mathématiques réinventées collectivement

Comment refonder tout un domaine scientifique? En 1934, de jeunes mathématiciens français ont trouvé la réponse : collaborer anonymement sous un pseudonyme partagé.

Le groupe Nicolas Bourbaki représente une expérience unique d’intelligence collective où l’ego s’efface au profit de la rigueur scientifique. Leurs réalisations?

  • Les Éléments de Mathématique, série d’ouvrages définitifs
  • L’introduction de la notion de structure mathématique
  • La standardisation des notations, facilitant la communication entre mathématiciens du monde entier

Le Miles Davis Quintet : l’erreur comme moteur d’innovation

L’intelligence collective ne se manifeste pas uniquement dans les grandes entreprises historiques. Entre 1964 et 1968, cinq musiciens réunis par Miles Davis ont révolutionné le jazz par une approche radicalement collaborative.

Frank Barrett, professeur de comportement organisationnel et pianiste, a analysé cette alchimie musicale unique : les membres du quintet introduisaient délibérément des erreurs pour stimuler la créativité collective. Cette pratique contre-intuitive a généré une synchronisation exceptionnelle dans le groupe, les musiciens anticipant avec fluidité les phrasés des autres.
Barrett a démontré comment cette approche pouvait être transposée en entreprise pour favoriser l’adaptabilité et l’innovation des équipes dans un environnement changeant.